Aller au contenu

 

Géopolitique

Le Liban : la course intrépide pour la survie de la démocratie

Sami Aoun, professeur de science politique

La précarité est palpable au Liban, et la joie de vivre traditionnelle des Libanais la cache mal. L'impasse politique interne se traduit par des tensions haineuses manifestes entre les Sunnites et les Chiites. Ces heurts sont intensifiés par l'impasse géopolitique entre l'Égypte et l'Arabie Saoudite, d'un côté, et le régime syrien de Bashar Al Asad (expulsé du Liban par la résolution 1559), de l'autre. L'arrivée en force de l'Iran n'a fait qu'envenimer la situation : elle mine non seulement l'influence arabe, mais aussi celle des États-Unis et de la France.

La majorité interdite du paradis

Depuis l'assassinat de l'homme fort des Sunnites, Rafic Hariri, le pays est presque ingouvernable, et sa démocratie (cas rare dans son voisinage) passe par une rude épreuve. Les accords de Taëf de 1989, qui ont mis fin à la guerre, subissent de fortes pressions. La majorité parlementaire a vite perdu l'initiative. Résultat des conflits interarabes : l'agenda antisyrien est entravé par le blocage des Chiites — colonne dorsale de l'opposition —, appuyés par le général chrétien Michel Aoun.

Heureusement, le Qatar a sauvé le Liban de l'abîme, pour le moment du moins. Une réconciliation a été conclue d'urgence. Avec l'aide de la France, et grâce à sa diplomatie dynamique, l'État du Qatar a réussi à faire conclure l'entente de Doha en tablant sur l'affaiblissement des Américains, sur le besoin de l'Iran et de la Syrie de sortir de leur isolement, et sur la nécessité de contenir le choc de l'incursion militaire inattendue du Hezbollah contre les Sunnites au sein de la capitale, Beyrouth, le 7 mai dernier.

Nouvel espoir en suspens

La lueur d'espoir avivée par l'élection du nouveau président, le général Michel Souleiman, candidat de compromis, reste pâle. Des forces décisives, surtout dans l'opposition, lui mettent du plomb dans l'aile. L'objectif est de le garder comme arbitre, ou comme gérant de crise, et non comme le symbole du renforcement du rôle de l'État libanais éclipsé depuis des décennies.

Le mandat du nouveau président est vraiment colossal. Les dossiers qui s'accumulent devant lui sont interreliés, sans compter qu'il doit répondre aux pressions de ceux qui désirent obtenir une plus grande participation politique — il s'agit surtout des Chiites. Cela, en même temps qu'il doit interdire au Hezbollah, le parti chiite le plus fort, de créer son propre État, ce qui menacerait l'équilibre précaire de la pluralité religieuse, ainsi que la situation géopolitique. Une forte influence de l'Iran chiite se ferait sentir, au détriment des pouvoirs arabo-sunnites.